lundi 14 mai 2007

espace-théâtre


A l'ombre d'un arbre, près des gradins antiques du théâtre d'Epidaure, Vassili parle, au milieu de nous , assis en demi-cercle autour de lui.
Sous le soleil de midi, une scène théâtrale se crèe, fidèle à la logique scénique de la tragédie antique : le comédien est au centre, le public l'entoure pour mieux le voir et l'entendre, pour s'approprier la moindre lumière de son regard, sa respiration et les vibrations de sa voix...
Vassili soliloque, et parfois, ses mots restent en suspension dans l'air tiède, ses yeux sombres s'accrochent sur l'azur céleste ...
Nos yeux se portent vers la lumière qui s'ouvre sur un totem masqué entouré de draps...
Vassili se tait et Dyonisos apparaît, puis s'enfuit vers les collines à travers les oliviers et les pins ...
Vassili reprend son monologue, et les acteurs, un par un, apparaissent en scène, se donnant en pâture à un public avide partager le pouvoir des Dieux Anciens.
Les acteurs, ramenés au rang de demi-dieux, jouent la tragédie du monde durant cet instant miraculeux où "soi" devient les "autres".
Le public ébahi s'envole sur le char d'Apollon, pour un voyage à travers les méandres de l'âme où il devient essentiel de n'être que son propre héros.
L'acteur, lui, grimace de douleur et renvoie l'image de ses propres cruautés et de ses petites lâchetés quotidiennes, il exorcise la part d'humanité qu'il a en lui pendant que le public effrayé, le hue, puis l'applaudit ....
Vassili parle, et le miracle du théâtre a lieu, une fois encore, à quelques pas des bois sacrés où des Dieux se cachent encore ...
"La tâche du régisseur d'une tragédie est d'empêcher les dieux d'envahir le plateau, la tâche du tragédien est de les convoquer pour qu'ils s'expliquent". (Pierre Debauche)

3 commentaires:

Augustin a dit…

J'ai lu ton article, écrit avec beaucoup de gràce, comme d'habitude. Ca ne se dit pas trop pour un style je crois mais c'est vraiment comme ça que je le ressens alors...
Et puis retrouver cette phrase de Debauche que tu utilisais pour les exercices, ça me ramène 5 ans en arrière. 5 ans déjà! A bientôt.

Cécile a dit…

Je n'ai encore lu tous tes articles , mais le peu que j'ai pû parcourir m'a enchanté, j'aime beaucoup ton style...a bientôt.
Cécile (http://les-choses-simples.over-blog.fr/)

Unknown a dit…

Liza, quel plaisir cette vue sur moi à travers tes yeux; de vivre ton interiorité par un language aussi précis m' est autement utile, d' autant plus que cela est venu se rajouter a celle de Gilles. Je retiens de tes paroles pour mon Orestes ton cadeau, cette grimace douloureuse, cette folie sacrée par laquelle le monde renaît, au sein de sa plus profonde déception: combien sont-ils, les Orestes, les Clitemnistres, les Agamemnon aui auront ete sauvés de pareils désastres par le Dieu Vivant dans l' aire du battage. Qui sait, si seulement le Liberateur était arrivé à Argos plus tôt, comme il le fit à Patra, les Atreides auraient pu être sauvés.