jeudi 28 décembre 2006

Scène chez l'Epicier


C'est toujours un plaisir d'aller chez Monsieur Stavropoulos, un monsieur aux cheveux gris et à moustaches, qui tient une épicerie... Pas une supérette ! Non ! Une véritable épicerie, avec les bocaux d'olives, les bidons d'huile, les sacs de légumes secs et de riz, les poissons séchés,les fromages ... J'aime en sentir les odeurs d'épices mêlées et de saumure qui me donnent faim, dès midi.
Devant moi, se tient une dame, d'allure assez bourgeoise, qui discute âprement le prix d'un hareng saur ...
Je patiente donc, et Monsieur Stavropoulos, visiblement agacé par cette indécise, me demande ce que je veux ...
- "Je voudrais de la féta à pâte molle "
( J'utilise ce fromage frais, dont le meilleur se trouve chez Monsieur Stavropoulos:- 8 Rue du 25 Mars - Nauplie - pour rouler de petites boules dans de l'origan, du poivre et, le plus sublime, des raisins secs ... Un vrai délice fromager !)
- "Oui, bien sûr " ...
La cliente, tout à coup, troublée dans ses méditations sur le prix du poisson séché, relève la tête et s'adresse, d'un ton peu aimable à Monsieur Stavropoulos :
- "Tu as de la féta à pâte molle et tu ne m'en proposes pas ? "
- "Non ! Je ne t'en propose pas parce que tu n'aimes pas ça ...
(Visiblement, je ne savais pas, moi, nouvelle habitante du quartier, que je goûtais à une denrée fort rare, dont étaient privés des habitués de l'établissement et qui donnait peut-être lieu à un quelconque marché noir .. )
En soupirant, Monsieur Stavropoulos, étale sur un papier, un morceau de sa délicieuse "spécialité", dans le but de faire goûter la dame qui me dévisage d'un air hautain ...
Elle goûte, du bout des lèvres, et s'écrie :
- " Pouah ! Mais ce n'est pas de la feta, c'est du yahourt !"
La tête de Monsieur Stavropoulos, honnête négociant à la tête de la MAISON STAVROPOULOS - établissement dont la réputation n'est plus à faire depuis au moins trois générations, devient, d'un coup, de la couleur de ses olives ... Ses yeux trahissent un profond désarroi, comme celui d'un homme frappé de bannissement et dans un dernier sursaut de courage il répond :
- "Non! Ce n'est pas du yahourt, mais une feta qui a 1 ou 2 mois ... "
Anéantie, devant tant de résistance, la dame paye, sans plus discuter le prix de la marchandise, mais non sans jeter sur l'épicier qui entreprend de me servir, un regard chargé de mépris ...
Elle sort de la boutique, son paquet sous le bras, telle une princesse résolue à l'exil, sans saluer quiconque ...
Un silence pesant s'installe, que je romps , d'une voix timide :
- "Et puis, je voudrais aussi du yahourt ...."
Monsieur Stavropoulos, consciencieusement, en a rempli un pot, visiblement soulagé de savoir que même une étrangère pouvait faire la différence entre la féta et le yahourt ...
J'ai payé, puis nous nous sommes salués chaleureusement ....

1 commentaire:

martine a dit…

Je sens les odeurs de l'épicerie de Mr Stavropoulos, je le vois avec sa cliente. J'aimerai goûter les boulettes de féta préparées par tes soins. Quelle bonne idée d'écrire ces articles et quelle bonne idée d'avoir fait le choix de vivre ainsi, ce semble être une vraie chance. Bien joué, bisous !!